Dans l’imaginaire collectif, le métier d’UX Designer ou d’UX/UI Designer est souvent associé à un rôle clé dans la conception d’expériences utilisateur innovantes et engageantes. Pourtant, dans la réalité de nombreuses entreprises, les responsabilités attribuées à ces designers s’éloignent souvent de cette image idéale. Loin des ateliers collaboratifs, des tests utilisateurs poussés et des phases de recherche approfondie, leur quotidien peut être bien plus pragmatique et limité.
Un rôle mal compris dès le départ
Le rôle d’un UX Designer devrait, en théorie, englober plusieurs dimensions essentielles :
- La recherche utilisateur : comprendre les besoins réels à travers des interviews ou des études.
- Les tests utilisateurs : valider les concepts et prototypes avant leur mise en production.
- Les ateliers collaboratifs : rassembler les parties prenantes pour co-créer des solutions.
- La stratégie produit : travailler en amont sur la vision et la direction du produit.
Cependant, dans beaucoup d’entreprises, ces étapes sont soit négligées, soit directement confiées à d’autres membres de l’équipe (product managers, chefs de projet, etc.). Le designer, plutôt que d’être le "défenseur de l’utilisateur", devient souvent un simple exécutant.
L’esclave du produit : une triste réalité
Il n’est pas rare de voir un UX Designer réduit à un rôle de production de maquettes et de wireframes. Les phases amont, pourtant cruciales pour la création d’un produit centré utilisateur, sont esquivées ou bâclées, et le designer est souvent sollicité après coup. Voici un aperçu de ce que fait réellement un UX/UI Designer dans ces contextes :
- Exécution des maquettes : une grande partie de leur temps est consacrée à traduire des idées préconçues en écrans visuellement attractifs, sans réelle marge de manœuvre.
- Suivi des directives produits : le designer doit souvent s’adapter aux exigences dictées par les Product Owners (PO) ou les équipes marketing, sans pouvoir remettre en question les décisions stratégiques.
- Adaptation aux outils : que ce soit Figma, Sketch ou Adobe XD, l’essentiel du travail repose sur la maîtrise des outils pour produire rapidement des livrables.
- Absence de recherche : faute de budget ou de temps, la recherche utilisateur est parfois inexistante. Les décisions se basent alors sur des intuitions ou des avis internes, reléguant le designer à un rôle purement graphique.
Le designer polyvalent… parfois jusqu’à l’absurde
Dans certaines entreprises, un UX Designer ou UX/UI Designer se retrouve bien au-delà de la simple création d’interfaces. En plus de concevoir des maquettes et des parcours utilisateurs, il peut être amené à réaliser des montages vidéo, des animations, ou même du design graphique pour des campagnes marketing.
1. Montage vidéo et création de contenus
Certains designers, au lieu de se concentrer sur la recherche et la conception d’interfaces, peuvent se voir confier des tâches liées à la production de contenus multimédias. Ils se retrouvent alors à créer des vidéos promotionnelles, à monter des séquences pour des publicités en ligne ou à travailler sur des vidéos d'instruction. Bien que cela puisse faire partie de compétences transversales, ce n’est clairement pas le cœur de leur métier.
2. Création de contenus graphiques marketing
De la conception de bannières publicitaires aux visuels pour les réseaux sociaux, les UX Designers peuvent se retrouver à réaliser des éléments graphiques demandés par le département marketing. Là encore, cette tâche relève plus du design graphique traditionnel que de l'UX, ce qui dilue la valeur stratégique de leur rôle.
3. Rémunération inchangée malgré l’élargissement des responsabilités
Malheureusement, dans de nombreux cas, ces designers polyvalents ne bénéficient pas d'une rémunération à la hauteur de cette diversification de tâches. Alors qu'ils endossent des responsabilités qui vont bien au-delà de la simple conception d’interfaces, leur salaire reste souvent le même, malgré l’ajout de compétences qui ne relèvent pas strictement de l’UX. Cette situation reflète bien une vision réductrice du métier et une gestion des ressources humaines qui ne valorise pas pleinement les compétences des designers.
Pourquoi cette situation est-elle si fréquente ?
1. Mauvaise compréhension du rôle par l’entreprise
Beaucoup d’entreprises embauchent un UX Designer sans réellement comprendre son métier. L’accent est mis sur le livrable final (les écrans), et non sur le processus qui y mène.
2. Pression des deadlines
Dans un contexte où les projets doivent être livrés rapidement, les phases de recherche, de test et d’itération sont perçues comme des luxes superflus.
3. Hiérarchie trop directive
Les décisions sont souvent prises en amont par des chefs de produit ou des managers, laissant peu de place au designer pour contribuer à la stratégie ou remettre en question les choix.
4. Manque de sensibilisation à l’UX
Dans certaines entreprises, l’UX est encore perçu comme "un peu de design en plus" plutôt qu’un pilier de la réussite du produit.
Le designer exécutant : un gâchis de potentiel
Limiter un UX Designer à la production de maquettes, de vidéos ou de contenus marketing, c’est passer à côté de la valeur qu’il peut réellement apporter :
- Détecter des opportunités grâce à une connaissance fine des utilisateurs.
- Créer des expériences cohérentes et efficaces, basées sur des données et non sur des suppositions.
- Améliorer la satisfaction utilisateur en anticipant les besoins et en itérant sur des prototypes validés.
Que faut-il pour changer cette dynamique ?
Pour tirer pleinement parti d’un UX Designer, les entreprises doivent :
- Investir dans la recherche utilisateur : même un budget minimal pour des interviews ou tests peut avoir un impact significatif.
- Impliquer le designer dès le début du projet, au lieu de l’appeler pour "faire de jolies maquettes".
- Former les équipes sur l’importance de l’UX dans le succès du produit.
- Laisser de l’autonomie au designer, afin qu’il puisse remettre en question et affiner les hypothèses.
Conclusion
Le rôle d’un UX/UI Designer est souvent mal compris et sous-exploité dans les entreprises. Bien que leur mission principale soit de défendre les besoins des utilisateurs et de concevoir des expériences mémorables, ils sont trop souvent réduits au rôle d’"esclave du produit", exécutant les directives sans réelle implication stratégique. Pire encore, certains se retrouvent à effectuer des tâches qui ne relèvent même pas de leur domaine, comme le montage vidéo ou la création de visuels marketing, tout en étant payés de la même manière, ce qui ne valorise pas leur expertise. Il est essentiel que les entreprises réévaluent leur approche pour permettre aux designers de jouer pleinement leur rôle et, ainsi, maximiser la valeur apportée à leurs produits.
Le vrai défi ? Redonner à l’UX son sens premier : l’utilisateur au cœur de chaque décision.